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Rubrik'Art : Doit-on restituer les oeuvres d'art ?

Tenture, don du roi Ghézo à Napoleon III, Musée du Quai Branly, vers 1850

Aujourd'hui, nous estimons que 85 à 90 % du patrimoine africain se trouve hors du continent. Au fil de ses dernières décennies, nous avons pu assister à une augmentation des demandes officielles de restitution afin que ces pays puissent récupérer ce qu'ils estiment comme étant leur propriété. Cependant, du point de vue de la France et de quelqu'un de ses pays voisins, ces restitutions posent différents problèmes et ne peuvent donc pas avoir lieu avant parfois plusieurs années voir ne pas avoir lieu du tout. Aujourd'hui, dans Rubrik'Art, je voudrais me pencher sur cette question qu'est le problème de la restitution des oeuvres d'arts à leur pays d'origine. 
La "restitution" désigne le fait de rendre un objet ou un bien à son propriétaire légitime. Dans le monde de l'art, des milliers d'oeuvres africaines furent acquise par la France (et d'autre pays d'Europe) de manière plus ou moins frauduleuse, que ce soit lors de l'époque coloniale ou dans un contexte de violence telle que la guerre. Aujourd'hui, ces pays africains, qui sont indépendants, se présentent comme les propriétaires légitimes de ces biens culturels et demandent alors leur restitution au plus vite. 

Cercueil égyptien, MET NY, volé à l'Égypte et restitué en septembre ©AFP 

Du coté pour, de nombreux arguments ressortent: 
Tout d'abord l'argument de la justice; ces oeuvres furent majoritairement acquises dans la violence, lors de razzia ou de guerre, parfois à des prix dérisoires ou sans le consentement de leur propriétaire. Selon Michel Leiris dans l'Afrique fantôme, c'est de cette manière que s'est constituée la majorité des collections européennes. Parmi les 90 000 objets étranges détenus en France 70 % ont été acquis durant la période coloniale. C'est donc pas moins 47 000 objets qui seraient concernés par cette injustice. Il serait donc légitime de les restituer. 
Mais il s'agit également d'une questions de souveraineté car le problème n'est pas dans la difficulté de rapatriement de ses objets. Il s'agit simplement d'un transfère de propriété, qui une fois réalisé, pourra permettre au pays souverains d'ordonner le rapatriement des biens. 
Mais la question peut être également soulever une problème de spiritualité lorsque ces biens touchent à la culture religieuse même de ses populations. De nombreux objets de rites et de cultes considérés comme sacrés se trouvent ainsi derrière des vitrines françaises alors que ils représentent une part importante de la culture de leur pays d'origine. 
Mais il s'agit également d'une question d'histoire et de mémoire car ces objets représentent pour beaucoup un vol de tradition. Les restituer permettrait à ces pays de pouvoir en disposer de nouveaux et de permettre à de nouveaux publics défavorisés qui ne viendrons jamais en France de voir ses objets.
Mais il s'agit également d'une question économique et politique. Le retour de ses objets pourrait permettre aux pays propriétaire de pouvoir augmenter son patrimoine et ainsi d'attirer de nouveaux visiteurs qui contribuerons au développement du pays directement. 

Tête en marbre de la déesse Athéna, MET NY, volée dans le centre de l'Italie et restituée fin 2022 

Mais pour la partie contre, restituer ces objets ne doit pas devenir une action répétitive qui serait au détriment de notre propre patrimoine culturel. 
De nombreuses personnalités estiment que aujourd'hui le débat n'est plus culturel mais est devenu une question politique et idéologique. Qualifier ses actions de "restitution", ce serait admettre leur possession illicite par l'état français, ce qui selon la loi n'est pas le cas. Ce dérapage verbale fut donc massivement repris par une intelligentsia afrocentriste et qui a donc fait de ses restitutions des armes idéologiques. Mais pour Reginald Groux, ces restitution abusives entrainerait l'humiliation du pays et de lui faire reconnaitre par la force le "crime" de la colonisation et serait donc une action plus que défavorable pour la France. 
Nous pouvons également considérer les musées comme des acteurs de l'unification des cultures plutôt que d'être le symbole de ses divisions culturelles. Les musées permettent donc d'échapper au communautarisme et doivent plutôt servir à rendre fières leurs populations par la présence de leur objets dans les musées Européens. Les restitutions vont à l'encontre de cette unification et diviserai d'avantage les populations. Pour beaucoup, la construction massive de nouveau musées africains, comme le Musée de Civilisation noires à Dakar est un moyen de diviser davantage les populations noires et blanches au lieu de les rassembler. 
Mais pour soutenir les populations africaines dans cette quête de patrimoine, il est envisagé que le don et l'accompagnement culturel donc des moyens biens plus adaptés à une réunification des peuples. Les états européens deviendraient donc des acteurs centraux de cette construction du patrimoine africains et collaborant avec les pays receveurs. Cela permettrait également de fournir aux pays africains des collections documentées et éclairés sur les objets donnés, aidant ainsi d'avantage les pays africains. La formation de personnel compétent entrerai également dans cette dimension d'accompagnement. 
La restitution ne serait donc qu'une attitude complaisante purement morale mais n'ayant aucun objectif culturel et pédagogique. Donner de son plein gré et en accompagnant serait une attitude bien plus digne et efficace. 

Trésor de Béhanzin, Musée du Quai Branly, qui fait l'objet d'un restitution au Bénin ©Michel Euler

Cette question de restitution survient après un discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 ou il s'engageait à rendre possible d'ici 5 ans les restitutions définitives ou temporaires d'oeuvres d'arts africaines présentes en France. Depuis ce discours, de nombreuses demandes officielles de restitutions de biens furent émises à sont en cours d'étude. L'une d'elle concerne la restitution de 26 oeuvres au Bénin. Suite à une étude approfondie du contexte d'acquisition de ses oeuvres, il a été décidée que celles ci avaient été acquise par la France de manière frauduleuse et devaient donc être rapatriées dans leur pays d'origine. 

Il est donc légitime de se demander quel raisonnement est le plus acceptable. Ce qui est sur, c'est que les oeuvres d'arts acquises frauduleusement par la France doivent faire l'objet d'une enquête visant à déterminer la nature et le contexte de leur acquisition. Par la suite, une procédure judiciaire adaptée doit être mise en place pour éviter des restitutions abusives et pouvant porter atteinte au patrimoine français. Mais encore une fois, trouver un tel compromis reste quelque chose de très compliqué et quoi doit toujours être correctement encadré. Aujourd'hui, la majorité des Français sont pour la restitution des oeuvres d'arts à leurs pays d'origine. mais encore une fois cela ne peut pas se faire sans un encadrement approprié. Nous pouvons également nous demander s')il est plus approprié de suivre l'éthique des musées qui souhaite célébrer la diversité des peuples en un même endroit, ou bien s'il faut suivre la morale qui dictes les pensées de l'homme. Nous verrons donc ce que la suite nous apprendra sur ce sujet

SOURCES 
- https://ledrenche.ouest-france.fr/restitution-oeuvres-art-colonisation-0987/ 
- https://information.tv5monde.com/info/france-le-parlement-approuve-la-restitution-d-oeuvres-d-art-au-benin-et-au-senegal-388471 
- https://www.letemps.ch/opinions/fautil-rendre-oeuvres-dart-aux-pays-dorigine
- https://www.tf1info.fr/culture/video-pourquoi-la-france-va-t-elle-restituer-26-oeuvres-d-art-au-benin-2200160.html 
- André God et Noémie Drouguet. "Chapitre 5. Les publics des musées", La Muséologie. Histoire, développement, enjeux actuels. ed Armand Colin, 2021, pp. 137-160
André Desvallées et François Mairesse "Public", Dictionnaire encyclopédique du muséologie. ed Armand Colin, 2011, pp. 497-525 


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