Des militants du mouvement Just Stop Oil après avoir jeté de la soupe à la tomate sur le tableau Les Tournesols de Van Gogh le vendredi 14 octobre à la National Gallery de Londres. ©AFP |
L’art fut toujours une partie plus qu’importante de notre patrimoine ; et cela peu importe notre religion, notre nationalité ou notre couleur de peau. Pour beaucoup, il ne s’agit que d’apprentissage, de longues visites un dimanche matin ou d’une matière trop peu appréciée par les collègiens. Mais pour d’autre c’est une vision, une vocation, un avenir. C’est ce que nous, étudiants en histoire de l’art, futurs restaurateurs ou conservateurs, nous sommes attachés à sauver des ravages du temps, de la guerre, des catastrophes. Nos œuvres sont placées dans des institutions qui existaient déjà bien avant notre naissance. Nous étions certains qu’aucunes guerres, aucunes tempêtes ne viendraient soulever les toits et balayer les portes du Louvre ou du Musée d’Orsay. Notre patrimoine devait être en sécurité loin des problèmes du monde.
Mais est alors venu un assaillant que nous n’aurions jamais pensé être capable de s’en prendre lui-même à l’œuvre d’art. L’Homme. En quelque semaines, nous nous sommes retrouvés face à une vague d’attaque contre les œuvres d’arts. De nombreuses toiles de maitres furent la cible de revendications de la part de divers groupes en faveur d’une action climatique. Un Van Gogh fut ainsi recouvert de soupe à la tomate, et un Monet reçu de la purée de pomme de terre. Le monde de la préservation de l’art s’est donc retrouvé face à un groupe de personnes déterminées à se faire entendre et à mener à bien leurs actions
Mais je pense qu’il est important de regarder au-delà des gestes. Les personnes qui s’en prennent ainsi à l’art ne l’ont pas fait sans raison, ou par pur volonté de détruire une œuvre d’art. Certes, asperger une œuvre de nourriture n’est pas la meilleure manière de s’exprimer, (surtout quand on lutte également contre le manque de nourriture) mais le message derrière n’est pas à ignorer. Lors de l’attaque du tableau de Van Gogh, les militants qui ont tenté de dégrader l’œuvre ont demandé à la foule ce qui était le plus important : protéger les populations qui meurent de faim, ou un tableau à plusieurs dizaines de million ? La réponse est évidente, l’humanité passe avant. Même le plus récalcitrant des conservateurs de musée finira par l’avouer. La vie a bien plus de prix qu’un tableau.
Mais pourquoi attaquer l’art ? Attirer l’attention évidement. Lorsque notre cher Joconde reçue une tarte lancée par un visiteur qui tentait également d’attirer l’attention, des millions regards se sont tournés vers le Louvre et les premiers articles sur le sujet n’ont pas mis plus d’une heure à sortir (merci les réseaux sociaux). Les attaques contre ces œuvres d’art attirent ainsi le regard du public sur les auteurs de ces actes, mais plus important encore sur leurs revendications. Quand le nom du collectif est indiqué en gros, il est difficile de l’ignorer. En quelque lancés de boites de conserves, les militants ont donc les regards tournés vers eux et ce qu’ils défendent.
Mais une fois la sauce tomate lancée, le message délivré, qu’avons-nous ? Des conservateurs furieux, un public hébété… certes, mais surtout une œuvre abimée. Il ne faut pas oublier que contrairement à un humain, l’art n’a pas la capacité de se défendre. N’oublions pas qu’une œuvre c’est simplement de la peinture sur une toile ou une planche de bois… rien de plus. Et il n’est pas possible de mettre un vigile à chaque tableau. L’œuvre d’art est donc une cible qui ne peut pas se défendre face à une attaque. Entre les deux, il y a le personnel du musée qui met tout en œuvre pour permettre à un maximum de personne de pouvoir voire les œuvres, sans penser que ces mêmes visiteurs finiront par attaquer ce qu’ils protègent précieusement.
Ce que j’ai remarqué à la suite de cette multiplication des attaques contre les œuvres d’arts, c’est le sentiment d’incompréhension de la part du public. Je pense que beaucoup penseront comme moi, oui nous comprenons votre cause et nous la soutenons, cependant nous condamnons vos actes. La revendication d’une cause ne peut pas se faire au détriment et la destruction du travail d’autre personne. L’art n’est plus un moyen d’expression dans ce combat, mais une victime. De plus, nous avons bien vu que cela n’apportait que la sidération, voire une forme de rejet du message que l’on tentait alors de faire passer. Il est certain que ce n’est pas la bonne manière de faire passer le message.
Personnellement, en tant qu’étudiante en histoire de l’art, voir ces œuvres d’art balayées d’un revers de la mains par un groupe de personne ne me fera jamais adhérer pleinement à leur cause. Oui je soutiens vos causes et vos efforts, non je condamne votre lâcheté à prendre pour cible quelque chose qui ne peut se défendre seul. Il n’y a plus besoin de prouver que les plus grands responsables du dérèglement climatique sont les géants de l’énergie, des paquebots transportant 8000 passagers, la consommation excessive de fast-fashion, les PDG qui cherchent à faire toujours plus d’argent ou encore les commandes Amazon réalisées dans des conditions déplorables en Chine. Il n’y a plus besoin de prouver que ce ne sont pas les moins pauvres qui polluent le moins, que si les ménages doivent baisser leurs thermostats de quelques degrés alors moins d’avions doivent circuler dans nos ciels. Mais alors pourquoi s’en prendre aux œuvres ? Vous avez ce que vous cherchiez, notre attention. Mais si nous regardons ce qui reste, personnellement je ne vois que des tableaux abimés et de couteuses restaurations qui seront payées grâce aux impôts des contribuables. Alors vous me direz, les attaques étaient ciblées, par chance les tableaux qui furent touchés étaient tous derrière une vitre de protection et "seulement" les cadres furent abimés. Mais nous savons très bien que vos actions entraîneront très probablement les actes d'autres personnes à peut-être choisir un jour un tableau qui n'est pas protégé. Vitre ou pas vitre, l'image visuelle que nous en gardons restera la même. Ainsi je vous le demande, pourquoi attaquez-vous nos musées ?
Bonne explication concrète et intéressante de ton point de vue d'étudiante en histoire de l'art.
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