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Histoire de souverains - Les Pharaons des deux terres

Triade d'Osorkon
-874/-850
Or et Lapis-Lazuli, 9cm
Région thébaine
Musée du Louvre 
©artetdécouvertesbyanna


L'histoire du Royaume de Kouch, transformé en Royaume Napatéen, est probablement l'une des histoires de conquêtes les plus incroyables d'Afrique du Nord. Originair de l'Afrique antique, ce royaume est parvenu en un temps record à s'étendre le long de la vallée du Nil, jusqu'à la 6ème cataracte alors que l'Empire Assyrien et les armées d'Assarhaddon puis d'Assourbanipal ne leur laissaient aucun répit. Aujourd'hui, et pour la première fois en France, le Louvre met en lumière l'histoire de ce royaume conquérant et de ce que qui le guidèrent, les Pharaons. 

Le Royaume de Kouch, est un terme générique utilisé pour définir les différentes entités qui se sont succédées au Soudan, au sud de la deuxième cataracte du Nil. Le Royaume de Kouch réunis donc le Royaume de Kerma (-2450/-1450), le Royaume de Napata (-656/-270) et le Royaume de Méroé (-270/340 de notre ère). Le Royaume de Kouch est en lien direct avec les royaumes égyptiens situés plus au nord. Les deux royaumes entretiennent aussi bien les contacts guerriers que commerciaux. Mais entre -712 et -656, les Rois de Napata parviennent à imposer sur les territoires égyptiens leur domination; mettant ainsi en place la 25ème dynastie de pharaons. l'Égypte se voit donc dominée par un royaume soudanais contre lequel elle avait du faire face durant plus de 2000 ans. 

©grandegalerie

L'exposition retrace donc la naissance ainsi que le développement de ce royaume étranger en terres égyptiennes; mettant ainsi en lumière l'évidence de la forte influence de la civilisation égyptienne sur le Royaume de Napata qui conserve alors toutes ses traditions purement Kouchites. Elle montre également combien cette période centenaire fut-elle le cadre d'un fort développement dans le domaine de la création artistique. L'exposition fut réalisée grâce aux près de nombreux objets conservés dans les musées de Londres, Berlin, New-York ainsi que Khartoum venant s'ajouter ainsi au oeuvre présente dans les collections du Musée du Louvre. 

A son apogée, le Royaume de Kouch s'étend de la ville moderne de Khartoum, source de confluence du Nil Bleue et du Nil Blanc jusqu'a son embouchure sur les cotes sud de la Méditerranée. Ce vaste espace est majoritairement constitué d'immenses zones désertiques dont les seules parties viables se trouvent le long du Nil et sont cultivables grâce aux crues du Nil, quu permettent ainsi l'irrigation des terres. L'ensemble des terres situées entre Khartoum et Assouan est divisé en six zones nommées cataractes, numérotées du nord vers le sud. Ces zones sont caractérisées par des courants fort dangereux, forment ainsi des frontières naturelles à l'intérieur du territoire. 

Pour les égyptiens, la représentations des peuples soudanais repose sur des codes iconographiques bien précis. Selon les représentatuions iconographiques du nord, les populations du sud (Soudan) sont représentatives du chaos opposé à l'ordre du nord (L'Égypte). Mais dans la réalité, des liens commerciaux existent depuis toujours et les contactes entre les deux entités sont nombreux. La plaquettes d'incrustation avec figure de Nubien reprend la thématique des ennemies aux membres liés et soumis aux égyptiens. De telles représentations étaient ainsi exposées dans les palais et servaient à rappeler aux visiteurs la soumission à l'Égypte de ses ennemis. Le Nubien ne possède aucun attribut égyptien, il porte une plume plantée dans sa coiffure, caractéristique des populations du sud. Pour les égyptiens, les peuples du sud sont considérés comme hostiles et dangereux. Comme tout autres, ils sont soumis au pharaon et à ses pouvoirs divins. 

Plaquette d'incrustation avec figure de Nubiens
Époque Ramesside (-1295/-1069)
Faïence siliceuse, 14,2 cm
Lieu de découverte inconnu
Musée du Louvre 
©artetdécouvertesbyanna

Dominées durant longtemps par les égyptiens, les régions au sud de la première cataracte obtiennent leur autonomies lorsque les égyptiens abandonnent ces zones à la fin du Nouvel Empire (premier millénaire avant notre ère). On voit alors apparaitre un royaume indépendant qui va tenter d'établir peu à peu son autorité sur l'Egypte. Cette expédition est principalement menée par Piânkhy jusqu'a Memphis, mais c'est son frère et successeur qui parviendra à unifier Soudan et Egypte pour ainsi créer la 25 ème dynastie. La stèle de Tefnakht représente un roi débout, portant les habits traditionnels égyptiens; le pagne, la perruque courte et un uraeus (cobra dressé devant protéger le pharaon de toute attaque), faisant face aux dieux égyptiens: Horus de Pê (tête de faucon) et Ouadjet (Tête de lionne). La stèle cite Chepsesrê Tefnakht, souverain fondateur de la 26 ème dynastie égyptienne. Il parvient à établir son autorité sur une partie du delta du Nil et profitera du désordre causé par les invasion assyrienne et du repli des forces nabatéennes vers le sud pour fonder les bases d'une renaissance égyptienne dont il prendra la tête. La Stèle de l'an 3 d'Aspelta représente le roi Aspelta dont le règne se déroule durant la 26 ème dynastie. Le roi continuera le travail de son ancêtre en envahissant une partie du Soudan et pillant Napata. Il déplacera d'ailleurs la capitale de son Royaume à Méroé, entre la cinquième et la sixième cataracte. Le roi est représenté au centre de la stèle en train de réaliser l'offrande du Maât (Équilibre et Vérité) à la triade divine Amon, Mout et Khonsou; plusieurs figures féminines l'accompagnent. 

Stèle de Tefnakht
-740/-719
Calcaire, 55cm x 18cm
Proviendrait de la basse égypte
Musée du Louvre

Afin de pouvoir assoir leur pouvoir sur les peuples égyptiens, les rois de Napata (Soudan) ont besoin du soutient du clergé local et plus précisément du clergé d'Amon, situé à Thèbes. En effet, la capitale des rois de Napata étant située loin des terres égyptiennes, les souverains ont besoin d'établir des ponts entre eux et les territoires conquis qu'il contrôlent totalement ou partiellement. Lors de sa campagne militaire vers le nord, Piânkhy passe donc à Thèbes pour participer aux fêtes associées à Amon, montrant ainsi un geste de fidélité à la ville et à son dieu. C'est donc pour s'assurer du soutien du puissant clergé d'Amon que les rois de Napata s'appuis sur la Divine Adoratrice, épouse officielle du dieu Amon, afin de pouvoir étendre leur influence politique sur l'Égypte. Le Sphinx de Chépénoupet II représente la fille du Piânkhy. Elle occupa durant plusieurs décennies la position de Divine Adoratrice d'Amon; une des charges les plus importantes du clergé thébain et exclusivement occupée par des femmes de la maison royale. Chépépnoupet II succéda à une fille du roi Kachta. Les divines adoratrices jouent un rôle important dans le fonctionnement du culte. Elles sont en effet les représentantes des souveraines dans la ville religieuse de Thèbes. La Divine Adoratrice a pour mission de revigorer l'énergie créatrice d'Amon. Les successions se fond par adoption, la Divine Adoratrice en charge choisi alors une princesse de sang royale qui sera élevée pour lui succéder. 

Sphinx de Chépénoupet II
Granit noir, 46cm x 83cm
Musée égyptien de Berlin 
Trouvé dans le lac sacré du temple d'Amon à Karnak 

La dernière salle de l'exposition présente une découverte archéologique récente (2003) à Doukki Gel, voisine de Kerma, capitale du Royaume de Kouch. Doukki Gel présente les caractéristiques essentielles d'une cité ou prédomine des structurent architecturales mêlant influences soudanaises et africaine puis plus tard des traces d'égyptianisation de plus en plus présente. C'est durant la 25 ème dynastie que ce mélange sera le plus intense; des sanctuaires "à l'égyptienne" sont aménagées mais en parallèle des structures typiquement soudanaise sont réalisées. Mais la cité sera ravagée en l'an 3 par Psammétique II (-593) lors d'une campagne menée par lui-même au Soudan. Le Groupe de statues découvertes à Doukki Gel représente Taharqa (la plus grande), Anlemani, Tanouétamani, Senkamanisken et Aspelta. Cinq des statues représentent des souverains vêtus à la mode napatéenne avec la calotte de tissus et le double uraeus. Ces sculptures furent détruites lors la campagne de Psammétique II. Par la suite, ces fragments furent minutieusement enterrés dans une cachette prévue à cet effet. On suppose que de nombreuses feuilles dorées recouvraient ces statues. L'exposition ne présent pas les originaux, conservés au musée de Kerma, mais des copies 3D en sable de quartz, plâtre, résine et chaux. Les parties peintes en doré sont celles qui accueillaient surement des feuilles d'or. 

Groupe de statuettes découvertes à Doukki Gel
Période nabatéenne
Granite
Originaux conservés au musée archéologique de Kerma (Soudan)

J'ai vraiment trouvé cette exposition incroyable : pouvoir se plonger au sein de l'histoire d'un royaume et de sa production artistique est une chose vraiment existante. Ce que j'ai beaucoup apprécié, est le cadre alliant l'Égypte à un autre royaume, celui de Kouch; montrant ainsi les liens que pouvaient avoir l'Égypte avec d'autre royaume. Mais également les obstacles que le pays pouvait affronter, notamment autour du Nil. L'un des thèmes majeurs développé dans cette exposition est l'iconographie concernant l'image que les égyptiens se faisait des étrangers. Il est donc très important de s'intéresser aussi bien à l'histoire qu'aux détails des oeuvres. Mais dans l'ensemble; je trouve que cette exposition retranscrit merveilleusement bien les liens qui unissaient en bien et en mal ces deux pays d'Afrique du nord. 

Pour informations, sachez que l'exposition dure environ 1h30. Comme toujours il est préférable de réserver un ligne un créneaux horaire afin de ne pas avoir à faire la queue le jour de votre visite. L'exposition est accessible par le hall napoléon dont vous pouvez accéder par la grande pyramide, par les Tuileries ou encore par une sortie reliant le carrousel au métro (Palais Royal - Musée du Louvre). Le tarif normal est à 17€ mais prenez le temps de bien vérifier si vous êtes éligible aux catégories à tarifs réduit ou gratuites (elles sont nombreuses!). De plus, si vous souhaitez poursuivre votre visite au sein des collections permanentes du Musée du Louvre, quelque oeuvre de cette période nabatéenne se trouve en salle 643 du Musée. 


N.B. : Les datations utilisées sont celles du Musée du Louvre, elles peuvent différer sur d'autre documents 


Sources : 

- Dossier pédagogique de l'exposition du Musée du Louvre

- Site officiel du Musée du Louvre 

Documentations en plus: 

- Henri Stierlin, Les pharaons bâtisseurs, Edition Terrail, 1992

- Pharaon des Deux Terres, L'épopée africaine des rois de Napata, sous la direction de Vincent Rondot. Catalogue de l'exposition

- Les Sarcophages égyptiens de la XXIème au début de la XXIIème dynastie. Andrey Nivinski et Patricia Rigault-Déon

Photographie et crédits par ©artetdécouvertesbyanna

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