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Naissance d'un combat - Peintres Femmes

Autoportrait de l'artiste peignant le portrait de l'impératrice Maria Feodorovna, Elisabeth Vigée le Brun ©DR 


Très rapidement, l'histoire de l'art a évincé certains artistes, en leur temps très connus, du monde de la peinture. Et malheureusement, il s'agissait pour beaucoup de femmes. Aujourd'hui, la plupart nous sont même inconnus. Avec cette exposition, c'est plus de 35 noms de "Peintres Femmes" qui sont dévoilés au public. La visite nous propose une vue panoramique de ces femmes qui ont marqué leurs temps et leur offre aujourd'hui un nouvel avenir. 


L'élève interessante, Fragonard et Marguerite Gérard ©Art et découvertes by Anna

Le cadre temporel de l'exposition se situe entre les années 1780 et 1830. Il me sembla tout d'abord plutôt étrange de laisser "aussi peu de temps" à ces femmes pour montrer l'étendue de leur savoir-faire. Et cela d'autant plus que la Révolution Française a lieu durant cette période. Mais c'est justement ce passage historique qui permet aux femmes de s'engager sur le chemin de l'émancipation. Devenues citoyennes, elles gagnent le droit d'exposer dans les salons et de vendre leurs toiles. Pour résumer, elles sont enfin autorisées à devenir peintre. En 1820, 15% des exposants sont des femmes. Même si ce chiffre semble très faible, celles-ci ont gagné leur place uniquement grâce à leur travail et sont très reconnues à leur époque. Elles parviennent même parfois à vivre de leur art. C'est notamment le cas de Marie-Guillemine Benoist, qui rencontrera un franc succès.

Portrait de Marie-Antoinette en robe de mousseline, Elisabeth Vigée le Brun ©Art et découvertes by Anna 

L'un des noms les plus remarquables semble sans aucun doute être celui d'Elisabeth Vigée Le Brun. Surnommée "le grand homme", elle exécuta quelques-unes des peintures les plus reconnues de l'exposition. Je pourrais notamment citer le Portrait de Marie Antoinette en robe de mousseline. Malgré sa beauté, cette oeuvre fit scandale quand la peintre la présenta au salon de 1783. Montrer ainsi la Reine en chemise éloigne ce portrait de la fameuse hiérarchie des portraits classiques. Afin de remplacer son oeuvre, Elisabeth Vigée Le Brun réalisa un nouveau tableau reprenant la reine Marie-Antoinette dans la même posture et avec la même expression, mais en remplaçant sa robe de mousseline par une robe en soie bleu-grise. Et cela en référence au soutien de la Reine aux maitres de la soie lyonnais. 

Portrait de la duchesse de Polignac, Elisabeth Vigée le Brun  ©DR

Elisabeth Vigée Le Brun n'entre à la Cour ni pour son rang ou ses titres, mais bel et bien grâce à l'unique mérite de son talent de peintre. C'est ainsi qu'elle sera rapidement remarquée par Marie-Antoinette qui fera d'elle sa portraitiste officielle. Elle deviendra par la suite l'artiste la plus courtisée de Versailles. Mais elle n'y prêtera guère attention, se tournant entièrement vers son travail. Son nom s'étendra au-delà des frontières du pays. Elle sera notamment reconnue pour la finesse de son trait et son talent pour retranscrire les émotions de ses modèles. Elle réalisera en tout une trentaine de portrait de la Reine. Malheureusement la révolution mettra un coup d'arrêt à son oeuvre en France. Elle travaillera ensuite un temps à Saint-Petersbourg, puis à Naples ou encore à Vienne, avant de revenir en France en 1809. Elle a alors 54 ans et y demeurera jusqu'à sa mort en 1842. 

Autoportrait copiant le Belisaire et l'enfant à mi-corps de David,  Marie-Guillemine Benoist  ©Art et découvertes by Anna

Le genre de tableau le plus présent au sein de cette exposition est sans nul doute le portrait et l'autoportrait. Pour les femmes il s'agit d'un véritable exercice sociologique et politique, un moyen de se faire admettre comme artiste. Elles n'hésitaient pas à se représenter palette et pinceaux à la main en plein travail, s'affirmant ainsi comme des artistes. Il n'y a pas de tentative de se montrer comme un homme pour être admise, mais au contraire d'affirmer son autorité et sa place par des positions élégantes, en portant parfois même des bijoux. 

Corinne au Cap Misère (d'après Gérard), Marie Victoire Jaquotot ©Art et découvertes by Anna

Mais la découverte de cette visite fut pour moi l'oeuvre de Marie-Victoire Jaquotot, Corinne au cap Misère, 1821.  Ce qui m'a frappé en premier en l'observant, c'est la vivacité des couleurs, l'éclat du rendu malgré la petite taille de l'oeuvre. En effet, cette artiste a la particularité de réaliser ses peintures sur des plaques de porcelaine. Je ne connaissais pas cette technique avant de découvrir ce tableau. L'utilisation d'une plaque de porcelaine blanche permet de donner un réel fond d'éclat, une lumière. 

Une jeune fille à genoux, Aimée Brune ©Art et découvertes by Anna 

Un autre tableau qui m'a fortement marqué est celui de la peintre Aimé Brune, Une jeune fille à genoux, 1842. Contrairement à beaucoup d'autres, celui-ci interpelle par sa simplicité. La jeune fille est représentée sur un nuancier violet, simplement assise, les mains jointes et le regard fuyant. Il n'y a sur elle aucun signe pouvant attester d'une classe sociale en particulier. Elle ne porte pas de bijou ou de vêtement luxueux. Elle n'est pas nom plus représentée comme une paysanne. Il pourrait s'agir de n'importe qui. Ce qui participe selon moi la beauté de ce tableau, c'est de pouvoir laisser libre cours à son imagination. Qui est cette jeune fille?  D'où vient-elle? A-t-elle une histoire en particulier? Un lien avec l'artiste? Ou est-elle simplement le fruit de l'imagination du peintre? Tant de question qui laissent de nombreuses possibilités à notre imagination. 

L'atelier d'Abel de Pujol,  Adrienne Marie Louise ©Art et découvertes by Anna 

Cette visite m'a laissée une impression très particulière. Comment tout ces talents ont-ils pu être mis de côté durant si longtemps? Aujourd'hui, le plus bel hommage que l'on puisse faire à ces femmes est de les considérer tout simplement comme des peintres. Car elles ont tant souffert de la critique et des hommes qui n'ont pas voulu reconnaître leur travail. Mais comme affirme Charles-Paul Landon, peintre, graveur et historien française, en 1807 "[...] l'art de la peinture vient d'atteindre en France un très haut degré de perfection et jamais on y a vu autant de femmes artistes".


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